Thomas Ruyant choisit Guillaume Verdier pour son nouvel IMOCA 60′
Thomas Ruyant, le skipper nordiste installé à Lorient, a lancé la construction d’un Imoca pour participer au Vendée Globe 2020. Originalité du projet : le plan Verdier construit en Italie, n’a, pour l’instant, aucun nom de sponsor sur la coque. Mais vu le pedigrée et la solidité du dossier, il serait étonnant que Thomas Ruyant ne trouve aucun partenaire majeur d’ici la mise à l’eau, prévue en juillet.
La conception est maintenant bien avancée puisque la mise à l’eau est prévue courant juillet. Le bateau est en construction en Italie chez Persico Marine. La coque est quasiment terminée, le pont est en phase de finition et sera posé prochainement, pour fermer la boite. À partir de là, nos équipes, en interne, vont partir là-bas pour poser les systèmes électroniques, et l’accastillage, les peintures. On est dans le bon timing. On a la chance de travailler avec Persico qui est très industrialisé et qui, du coup, très à cheval et pointu sur le respect des plannings. Aujourd’hui on sait précisément quand le bateau sortira du chantier, le 20 juin, ce qui est un vrai confort.
Pourquoi avoir choisi de construire votre bateau, un plan Verdier, en Italie ?
Il y a effectivement de très bons chantiers en France, et on a consulté la plupart d’entre eux, et même des boat-builders indépendants… Après il se trouve que moi il y a un choix où je n’ai pas fait de consultation, c’est celui de l’architecte, j’ai choisi Guillaume Verdier et je voulais travailler avec lui. Il se trouve aussi qu’au moment où on commençait à imaginer la conception de ce bateau-là, Guillaume planchait déjà sur le projet d’un 60 pieds pour le compte de la Volvo Ocean Race, qui, finalement ne s’est pas fait. Il y avait donc l’opportunité de travailler sur une liasse de plans de départ pour travailler, mais aussi de récupérer un contre-moule avec le chantier Persico, qui travaillait sur ce projet, donc il y avait quelque chose à faire de ce côté – là. Et puis, en visitant le chantier Persico, près de Bergame en Italie, on s’est aperçu que c’était un des meilleurs, sinon le meilleur chantier composite dans le monde. Et dans ce chantier-là, on n’a voulu ne rien laisser au hasard dans le choix de l’équipe interne, que dans le reste. Aujourd’hui, on veut faire le meilleur bateau.
Et pourquoi choisir Guillaume Verdier plutôt que VPLP, ou Kouyoumdjian ou Sam Manuard ?
C’était un choix assez facile pour moi. La Route du Rhum que j’ai gagnée en Class 40 c’était sur un plan Verdier, le Vendée Globe que j’ai fait, c’était sur un plan Verdier…. De fait j’ai passé beaucoup de temps à discuter avec Guillaume verdier de ces bateaux-là, pour les faire évoluer, je m’entends très bien avec lui… Et lui sortait de son projet Coupe de l’America qu’il a gagné avec Team New Zealand, il a les outils pour développer tout ça, donc je pensais qu’il avait un coup d’avance sur les autres architectes, notamment sur les foils, qui sont au cœur du projet. C’est peut-être le meilleur architecte naval du monde.
Il ne sortira pas complètement du lot. Il sera innovant sur plein d’aspects, en même temps, tout n’est pas issu de Guillaume Verdier, il y a eu aussi un gros travail de notre bateau d’études, qui a son vécu, son expérience et qui a apporté et il y a eu aussi mes choix, issus de mes envies. Et puis on a aussi eu l’apport d’Antoine Koch, notamment sur les foils, et qui a une grosse expérience avec l’Ultime Gitana, Laurent Bourguès, François Pernel qui est un transfuge de l’équipe de Jean-Pierre Dick. C’est tout ça qui fait que l’on réfléchit à faire un bateau qui soit le plus rapide sur le Vendée Globe et pas sur un run de vitesse en baie de Lorient. Guillaume Verdier nous donne ses idées pour faire le bateau le plus rapide sur le papier, et nous, on est parfois là pour le tempérer. Les discussions sont parfois âpres.
Il y aura beaucoup de différences entre les nouveaux bateaux sur les formes de foils, et probablement aussi sur les formes de carène, même s’il faudra peut-être avoir un œil averti pour les percevoir. On connaît Charal, par exemple, et on sait que le nôtre ne lui ressemblera pas. Moi mon souhait c’est d’avoir de la stabilité, de la fiabilité évidemment comme tout le monde, et polyvalent à toutes les allures et régimes de vent.
Certains ont choisi d’autres architectes, vous les observez de près ?
On a quand même une jauge Imoca qui donne certaines limites, mais on aura des bateaux qui seront quand même assez différents. D’autant qu’il y a quatre architectes différents cette fois-ci. Après, est-ce que l’un d’entre eux aura davantage raison plus qu’un autre ? On verra. Le seul que l’on a beaucoup observé c’est Charal.
Un bateau plus complet qu’extrême en fait…
Oui si on veut, car de toute façon, on est en train de faire des bateaux extrêmes, on est en train d’engendrer des petits monstres, il faut le dire… Et il va falloir que nous, les marins, on se mette au niveau de ce que l’on est en train de faire. Le seul aperçu que l’on a pour le moment, et qui a impressionné tout le monde, c’est Charal.
Quelle est la place du skipper au cœur de ces projets qui engendrent des petits monstres, comme vous dites ?
Le skipper c’est un peu le plafond de verre, c’est vrai. Jusqu’à maintenant on faisait des bateaux maniables. Là, on est plutôt en train d’en faire des extrêmes, qui, sur le papier vont aller très vite, quasiment à des vitesses de multicoques, mais portent du plomb (dans la quille), donc à vivre et à faire fonctionner c’est impressionnant. Ce sont quand même des bateaux qui décollent et qui, par moments ne touchent plus l’eau. Maintenant, ça va donc être au skipper de monter le curseur et de s’adapter. Cela ne va pas suffire d’avoir un bateau rapide, il va falloir que le skipper s’adapte. De toute façon, en solitaire, on ne pourra pas mener ces bateaux-là à 100 % pendant trois mois. La limite, ça va être dans la tête, et dans le physique. Mais tout ne sera pas forcément plus physique. Et puis avec l’accélération des vitesses, on va augmenter le vent apparent, donc on va être dans des angles de navigation moins larges qui entraîneront moins de choix de voiles, donc moins de manœuvres de changement de voile…
Ces bateaux seront invivables…
Ils le sont déjà. C’est aussi pour ça que l’on travaille beaucoup sur les conditions de vie à bord, l’ergonomie, la sécurité, les équipements
Source: Ouest-France