LES FOILS AU RÉVÉLATEUR DE L’ATLANTIQUE
La Transat Jacques-Vabre sert de sérieux test pour les monocoques munis de nouvelles dérives en vue du Vendée Globe 2016.
Ils vont enfin savoir. Après des mois passés à penser, dessiner, charpenter et finalement tester leur nouvelle arme plus vraiment secrète, les skippers des nouveaux Imoca construits en vue du Vendée Globe 2016 vont pouvoir éprouver sur la distance leurs fameux foils à l’occasion de la Transat Jacques Vabre. Longues d’environ 2,50 m, ces nouvelles dérives en forme de crochet ouvert vers le ciel sortant de chaque côté de la coque font l’objet de tous les fantasmes depuis deux ans. Il faut dire que les images des bateaux de la Coupe de l’America sortant de l’eau en baie de San Francisco telles des libellules léchant la surface d’un lac ont fait tourner les têtes. Et après les multicoques, les monocoques succombent à leur tour à l’appel du ciel.
Photogénique même si moins spectaculaire qu’en multi, l’effet de ces appendices destinés à soulager la coque des 60 pieds (18 mètres) dans certaines conditions reste flou. «Les images sont belles et les premières sensations sont bonnes. Mais c’est sur la Jacques Vabre que l’on saura vraiment si ces foils tiennent toutes leurs promesses», résume Sébastien Josse dont le Gitana 16 Edmond De Rothschild est l’un des six nouveaux monocoques mis à l’eau cette année (avec Banque Populaire VIII, Hugo Boss, St Michel-Virbac, Safran et l’ex-Vento Di Sardegna), tous dotés de foils.
«L’enjeu technique sur cette Transat, ce sont les foils», confirme Paul Meilhat, qui partira du Havre dimanche sur SMA. Un bateau de la génération précédente (2011) dépourvu de ces nouvelles dérives. «Faudra-t-il en installer pour le Vendée Globe ? Jusqu’à maintenant, les bateaux avec des foils vont plus vite dans certaines conditions et moins vite dans d’autres. Et nous n’avons aucun retour sur leur comportement au large», poursuit-il. En vue de son premier Vendée Globe dans un an, le marin de 33 ans travaille en duo avec Michel Desjoyeaux. Toujours au fait des dernières technologies, le prestigieux co-skipper de SMA s’est penché sérieusement sur le sujet. Il décrypte : «Le but est d’avoir un bateau le moins lent possible en réduisant les freins. La partie immergée du monocoque représente les deux-tiers de sa traînée totale. L’axe majeur des architectes consiste donc à trouver des moyens de soulager la carène». Et d’accélérer.
Pénalisant dans la navigation au près (contre le vent) car ils génèrent plus de traînée, les foils sont sensés servir de boost quand les bateaux filent à vive allure dans le sens du vent (au portant). Les premiers bords tirés au large de la Bretagne sont positifs même si chacun se garde bien d’en dire trop, concurrence oblige. «Ça sustente pas malle bateau. Gitana et Safran ont déjà titillé les 30 nœuds (55 km/h) avec leurs foils», croit savoir Jean-Pierre Dick. Parmi les derniers à voir son nouveau bateau, St Michel-Virbac, mis à l’eau mi-septembre, le quinqua niçois a hâte de se lancer dans ce test grandeur nature qu’est la Jacques Vabre, sorte de calque de la première partie du Vendée Globe. «Théoriquement, les foils devraient permettre de gagner jusqu’à quatre jours sur le tour du monde», annonce-t-il. Le record de François Gabart (78 jours sur Macif en 2013) pourrait donc en prendre un sacré coup. Desjoyeaux tempère : «Il y a les calculs, les développements, les mises au point et il y a la réalité du terrain. Aller vite dans le petit temps, ça peut servir aussi parfois».
Si le «Professeur», unique double vainqueur du Vendée (2001 et 2009) et son «Padawan» prennent une leçon sur la route d’Itajai de la part des bateaux munis de foils, un détour par la case chantier semblera inévitable. Dans le même cas que Meilhat et SMA, Vincent Riou et l’équipe de PRB pourraient se décider «avant même l’arrivée de la Transat». Coût de la mise à jour : plusieurs centaines de milliers d’euros. Une facture conséquente pour des projets au budget annuel compris entre 2 et 3 millions. «Les anciens bateaux ne sont pas condamnés à avoir des foils», assurait Vincent Lauriot-Prévost il y a quelques mois. L’architecte du cabinet VPLP, concepteur (avec Guillaume Verdier) des six nouveaux bateaux mis à l’eau cette année, doit quand même s’attendre à recevoir quelques coups de fils avant Noël.