Les foils n’ont pas dompté le lac, mais bientôt?
18Avec l’avènement des ailettes rigides permettant de soulever les coques des voiliers hors de l’eau, les marins sont de plus en plus nombreux à les essayer au Bol d’or.
«Il est grand temps qu’un bateau à foils s’impose, histoire que le pouvoir sur le Léman change un peu de mains!», se marre Jérôme Clerc. Samedi après-midi, le barreur de Realteam et son équipage ont grimpé sur la 3e marche du podium du 79e Bol d’or avec leur catamaran «volant» de type GC32, après avoir réussi une remontée extraordinaire sur le retour entre le Bouveret et Genève. Ils ont fini à moins de 9 minutes du duo de tête, Alinghi et Ladycat: des catamarans D35… sans foils. «Mais il n’aurait pas fallu que le lac fasse dix kilomètres de plus, sinon ils nous bouffaient certainement, a concédé Arnaud Psarofaghis, barreur vainqueur de la régate avec Alinghi.
Dans la catégorie M2, qui regroupe des multicoques de dimension inférieure, un phénomène en tous points semblable s’est produit pour les tout nouveaux catamarans à foils Easy To Fly, longs de 26 pieds (près de 8m). A bord de Swiss Medical Network, Michel Vaucher a lui aussi réussi une deuxième moitié de parcours fantastique, sous vent portant (arrière ou latéral), pour arracher le 3e rang final de la catégorie. Un résultat des plus encourageants pour ce dernier né des voiliers du futur, dont les trois seuls exemplaires existants appartiennent à des Suisses et étaient cette semaine engagés sur le Léman.
«Les Suisses sont des gens très innovateurs»
Grande vedette française de la voile, Jean-Pierre Dick, 4e du dernier Vendée Globe avec un monocoque à foils, vainqueur de la Barcelona World Race et de la Transat Jacques Vabre en 2011, était ce week-end au Bol d’or dans son rôle de promoteur de la série Easy To Fly. Il avait hâte d’observer le comportement de «ses» bébés dans les conditions toujours particulières de navigation lacustre. «Il n’existait pas encore vraiment de multicoques à foils de ces dimensions-là», rappelle l’imposant marin de 51 ans. «L’idée est de développer ces «sports-boat», dessinés par l’architecte Guillaume Verdier, qui me paraissent idéaux pour les conditions de la Suisse, un pays où les gens sont par ailleurs très innovateurs. Le comportement de ces catamarans par plus petit temps est également très intéressant», avance Jean-Pierre Dick.
Le Niçois le concède volontiers, la fourchette de vent dans laquelle l’Easy To Fly navigue de façon idéale est sans doute plus restreinte que pour d’autres séries de multicoques. «Il faut que les airs atteignent 8 ou 9 nœuds (14 ou 16 km/h) pour voir les foils sortir de l’eau, et à partir de 25-30 nœuds (45-55 km/h), comme avec tout «foiler», il faut faire preuve de prudence. Voler demande de la légèreté et il faut utiliser du carbone à bon escient. Mais on avance avec humilité. Ces bateaux n’ont été lancés qu’en septembre dernier – c’était leur deuxième régate – et il faut du temps pour les développer. Avant le Vendée Globe, j’ai fait des essais avec trois paires de foils avant de trouver les bons pour mon bateau.»
Pas encore assez polyvalents
Skipper de l’Easy To Fly le mieux classé de ce Bol d’or, Michel Vaucher s’estime satisfait de sa régate, malgré un temps de prise en mains des plus courts. «On pouvait difficilement espérer «foiler» à la montée au Bouveret au près (ndlr: face au vent), surtout avec les vagues et les diverses transitions du vent. Et comme on ne connaissait pas encore bien le bateau, on n’a pas osé naviguer pleinement toilés. Par contre, dès que nous étions sur le retour, il n’y avait pas photo avec les autres bateaux de la classe M2. On les a déposés, avec des pointes de vitesse à plus de 32 noeuds (ndlr: 60km/h).»
De là à voir bientôt un multicoque volant remporter la prestigieuse course lémanique? Pour Jérôme Clerc, de plus en plus à l’aise sur ce type d’embarcation, il faudra probablement attendre la conception du voilier idéal pour les airs du lac. «Le GC32 et l’Easy To Fly sont surtout des bateaux de mer. En prenant les deux premières places, les D35 ont montré qu’ils étaient toujours les plus polyvalents, les mieux adaptés à toutes les conditions du Léman. Et même à des allures où nous sommes sur les foils, ils vont aussi très vite, donc il faudrait pouvoir aller encore plus vite que ce que nous faisons déjà.» Quelles solutions apporter, dès lors? «Il faudrait déjà pouvoir disposer d’un mât plus grand pour augmenter la surface de voile», estime le barreur de Realteam. Sur les D35 ils font 21m de haut, alors que sur nos GC32 ils font 16m et 13m sur les Easy To Fly.»
Pour l’heure, les «foilers» devront continuer à espérer des conditions de vent fort et régulier tout au long du parcours. Malgré la forte bise de ce week-end, les airs sont brièvement retombés au large de Lausanne en fin de matinée. Là était peut-être le rien – moins de dix minutes – qui a manqué pour permettre à un bateau volant de devenir le nouveau seigneur du lac.
Le Bol d’or vu du ciel
Bol D’Or Mirabaud 2017 from GlobalVision 360° on Vimeo.
Rédigé par Olivier Dufour