Mis à l’eau au mois de juillet dernier, le maxi-trimaran volant « Edmond de Rothschild », alias « Gitana 17 », a effectué ses premières sorties. En équipage pour commencer. « On y va doucement, on défriche, explique son skipper, Sébastien Josse. Mais on sent qu’il y a de la puissance… ». Le skipper a annoncé des pointes à 44 noeuds en vol. Grâce au mediaman Yann Riou, qui a utilisé son drone, voici la vidéo des premiers vols du géant.
Comment se passe la prise en main d’une machine aussi innovante ?
Nous sommes au tout début, c’est la troisième sortie. On défriche, nous n’avons pas eu beaucoup de vent en Bretagne. Là, on va partir 24 heures (NDLR : un aller-retour Lorient – Les Scilly) mais nous prenons le temps de trouver nos marques, nous ne voulons pas nous faire dépasser par la machine. Mais nous avons de très bonnes sensations.
« Ne pas se faire dépasser par la machine », dites-vous. Vous sentez qu’il y a des chevaux sous le capot ?
Ah oui, on sent qu’il y a de la puissance quand tous les artifices du vol sont en place. On arrive déjà à le faire voler. Il va falloir y aller tranquillement. Mais lorsqu’on vole par 16 noeuds (NDLR : le minimum pour décoller) de vent et sur une mer plate, c’est juste génial. Cela dit, le programme du bateau est beaucoup plus large que cela, on doit aussi voler dans 30-35 noeuds et avec quatre mètres de houle. Et c’est là qu’il va falloir trouver les bons réglages. On va devoir le faire trois-quatre fois pour comprendre comment ça marche. On va monter en puissance tout doucement, prendre confiance et, à terme, voler le plus souvent possible.
Combien de temps faut-il pour mettre au point un maxi-trimaran volant de 32 mètres ?
Pour l’avoir bien en main en solitaire, il faut compter deux ans. Pour être serein au départ de la Route du Rhum 2018 ou sur le tour du monde en solitaire en 2019, il faut enquiller des milles dans des conditions météo variées pour avoir les réponses à toutes les variables qui font notre sport. En équipage, on peut prendre le bateau en main beaucoup plus vite. Avec l’expérience de « Gitana 15 » (NDLR : ex Mod70 devenu volant), on a plus de repères. Il faut aussi savoir que l’on peut faire naviguer le bateau de façon traditionnelle en figeant les appendices ou les bascules de mât. Les deux prochains mois, on peut très bien assagir le bateau et faire la Transat Jacques Vabre (qu’il disputera avec Thomas Rouxel) avec un trimaran entre guillemets « basique ». Comme l’avait fait François Gabart lors de la dernière édition, où il avait navigué avec un seul foil et une bascule de mât qui ne fonctionnait pas. Ce qui ne l’avait pas empêché de gagner. Mais l’important est de participer à des courses, d’accumuler des milles.
À bord, les invités n’ont pas le droit de prendre des photos, ni de faire des vidéos. Il y a des secrets que vous ne voulez pas dévoiler à la concurrence ?
Des bateaux comme le nôtre, il n’y en a pas beaucoup. En monocoque Imoca, chaque équipe a aussi ses petits secrets et c’est encore plus le cas sur ces trimarans-là. Guillaume Verdier est un architecte qui a le vent en poupe avec des idées hyper novatrices. Nous avons la primeur sur ces idées-là. Il ne faut pas oublier qu’il y a d’autres trimarans qui vont sortir (NDLR : Banque Populaire d’Armel Le Cléac’h et Sodebo de Thomas Coville) et nous avons des innovations technologiques sur notre bateau, donc nous avons envie de les garder au chaud le plus longtemps possible. Maintenant, le vrai résultat, on le verra sur l’eau. C’est celui qui gagne les courses qui a raison.
Le maxi-trimaran« Edmond de Rothschild » est-il plus physique que les autres bateaux, qu’un 60 pieds Imoca par exemple ?
Oui, il n’y a qu’à regarder François Gabart et Thomas Coville, ce sont des athlètes. Lever un foil, c’est 15 minutes de manivelle, une voile, c’est 150 kg à déplacer, la grand-voile pèse 250 kg. Ici, la puissance du bateau, c’est 150 tonnes/mètre, contre 30 tonnes/mètre en monocoque Imoca. ça, on le ressent dans les écoutes. Sur un bateau comme celui-là, la gestion du physique compte beaucoup. Il est certain qu’on ne va pas enchaîner deux changements de voile en moins de deux heures. Il y a des choix et des compromis à faire dans les manœuvres. Ce sont quand même des gros bateaux et on doit s’adapter à cette taille.
L’asservissement est, pour l’instant, interdit sur ces engins-là. Pensez-vous que ça peut évoluer, notamment pour des raisons de sécurité ?
Comme le vol et les foils et comme en Imoca où il y avait des pour et des contre les foils… Maintenant, la question est réglée en Imoca où les foils ont fait leur preuve, il n’y a plus de polémique. L’asservissement sur un muticoque volant, c’est de la sécurité en plus. On a des pilotes automatiques et on a juste besoin de rajouter une variable supplémentaire qui est l’altitude. Aujourd’hui, les bateaux sont déjà asservis sur deux axes. Il n’en manque plus qu’un, l’altitude.
Lorsqu’on se retrouve à la barre d’une machine de 12 millions d’euros, ressent-on plus de pression ?
Il y a une responsabilité par rapport à l’objet qu’on nous confie, par rapport aux heures de travail que cela représente. On est respectueux de l’objet. Enfin, c’est un bateau et on est toujours amoureux de nos bateaux. Mais là, je suis encore plus amoureux. C’est une pièce unique, c’est le plus beau. Esthétiquement et en termes d’innovations, il est fabuleux.
Le maxi-trimaran, c’est 170.000 heures de travail, dont 25.000 heures d’études. Un multicoque de 32 m de long, 23 m de large qui pèse 15,5 tonnes, une voilure de 450 m² au près, 650 m² au portant, un coût total de 12 millions d’euros. Seize personnes travaillent au sein de l’écurie de course dirigée par Cyril Dardashi.
Thomas Rouxel : “Premier défi, être au départ de la Transat Jacques Vabre”
On lui proposait de repartir sur une deuxième campagne sur la Volvo Ocean Race, à bord du Dongfeng de Charles Caudrelier, avec l’ambition de gagner, mais Thomas Rouxel a choisi d’embarquer sur le maxi-trimaran Gitana 17 aux cotés de Sébastien Josse. Ils disputeront la Transat Jacques Vabre ensemble.
“L’avantage sur le trimaran, c’est qu’on va plus vite en restant toujours au sec”, dit-il. Comme Seb Josse, Thomas Rouxel est en phase d’apprentissage sur le multicoque. “On apprend le réglage des flaps, l’incidence de la dérive et des foils. L’objectif est d’être prêts pour la Transat Jacques Vabre mais si on ne maîtrise pas tout, on pourra neutraliser tous les jouets que nous avons à bord. Etre sur la ligne de départ au Havre constitue un premier défi. Être à l’arrivée au Brésil, c’est un autre défi”, ajoute Rouxel ravi d’apprendre énormément sur cet engin fabuleux. “En revanche, physiquement, c’est un dossier ce bateau. On a commencé à manœuvrer en double et c’est pas une simple affaire”.
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