Coupe de l’America 2021: L’AC75, un monocoque « volant »
America’s Cup 2021 : du jamais vu sur la mer
Comme le veut la tradition, le “defender” Emirates Team New Zealand, l’équipe qui a remporté la dernière édition en 2017, remet en jeu la prestigieuse coupe face au “challenger” l’Italien Luna Rossa. Les régates se dérouleront dans le golfe d’Hauraki en Nouvelle-Zélande en 2021. Les équipes participantes s’affronteront sur un AC75, une toute nouvelle classe de bateau dont les caractéristiques ont été définies en novembre dernier par le Defender et le Challenger. Et dans le monde assez conservateur de la voile, l’AC75 passe pour un véritable OVNI, certains doutant même qu’il puisse un jour naviguer. Il s’agit en effet d’un monocoque “volant”, dépourvu de quille mais équipé de deux foils pour sortir le bateau de l’eau et d’un safran central pour le diriger. Les premières simulations en 3D fournies par les Néozélandais révèlent une machine constamment en vol, en appui sur le foil sous le vent et le safran, avec le foil au vent relevé comme une grande jambe au-dessus de la mer. Une architecture en rupture avec les monocoques de course actuels dont les foils ne permettent pas vraiment le vol mais la sustentation.
L’America’s Cup est connue pour la conception radicale de ses bateaux. Déjà en 2013, dans la baie de San Francisco, la compétition se courait sur un AC72 (22 mètres de long), un catamaran volant équipé de foils et pourvu non pas d’une voile mais d’une aile rigide. Lors de l’édition de 2017 aux Bermudes, la formule a été renouvelée avec un AC50 (19 mètres), un bateau légèrement plus petit. Mais pour 2021, l’arrivée de l’AC75 marque de nouveau une rupture. « C’est un projet que mon bureau avait proposé avec Ray Davies, le tacticien de Team New Zealand pour un client privé. Nous voulions faire un monocoque extrême. Ray a remis ce projet sur la table pour 2021 et avec l’accord de l’équipe Luna Rossa, cela a été accepté », raconte Guillaume Verdier, l’architecte naval français qui travaille au sein de l’équipe néo zélandaise depuis 2010 sur la conception des bateaux.
L’un des points marquants de ce bateau est l’absence de quille, un appendice normalement indispensable car il empêche le chavirage. “En plaisantant Ray m’avait dit : “Il faut enlever la quille.” On a essayé et cela a marché”, poursuit Guillaume Verdier. Pour y parvenir, l’architecte s’est inspiré des bateaux à deux quilles réalisés par Martin Defline, un autre architecte français. Mais à la place des deux quilles, l’AC75 reçoit deux foils lestés. « Nos calculs ont montré que cette configuration serait 50 à 70% plus efficace que les monocoques à foils du Vendée Globe », précise Guillaume Verdier. Les deux foils sont pendulaires, c’est-à-dire qu’ils peuvent monter ou descendre afin d’équilibrer le bateau selon la situation.
FOILS. Par exemple, à l’arrêt, ils sont complètement abaissés sous l’eau. Ils sont assez profonds et lourds pour empêcher le bateau de chavirer. Dès que celui-ci commence à avancer, le foil au vent sort progressivement de l’eau, s’opposant encore au chavirage. La portance du foil resté dans l’eau augmente jusqu’à faire sortir la coque de l’eau. La trainée diminue alors considérablement permettant au voilier d’aller vite, très vite : « Les simulations numériques montrent qu’il commence à voler dès 8 à 10 noeuds de vent, soit environ 15 km/h, pour aller trois fois plus vite que le vent », explique Guillaume Verdier.
Reste maintenant à faire naviguer le bateau dans le monde réel. Même si les études sont loin d’être terminées, les équipes devront être prêtes à s’affronter fin 2019 en Italie pour les premières régates avant la coupe proprement dite. Les marins devront alors apprendre à manoeuvrer ces nouvelles montures dont le pilotage promet d’être particulièrement précis et complexe.